Depuis25 ans, Guy Lessieux arpente les rues de Paris, canne en main, pour soigner ceux que la société a choisie d’ignorer. À 84 ans, ce médecin généraliste à la retraite, reste l’âme des maraudes médicales de l’Ordre de Malte. Le 14 juillet, il a reçu la Légion d’honneur.
Veste fluo sur le dos et sourire infatigable aux lèvres, Guy Lessieux est une silhouette familière des nuits parisiennes. Depuis 27 ans, ce médecin soigne les sans-abri là où ils vivent, souvent à même le trottoir, parfois dans le silence d’un regard. Ce n’est pas la retraite qui l’a arrêté, ni l’âge, ni la maladie. Même après une lourde hospitalisation, il a repris ses maraudes, convaincu que « ne plus y aller lui manquerait trop ».
Son engagement est né d’un simple geste. En 1998, sa femme, infirmière, lui suggère d’inclure les sans-abri dans une campagne de vaccination contre la grippe. Moins de 24 heures plus tard, il rejoint la première maraude médicalisée de France. Mais la médecine de rue étant interdite à l’époque, il doit obtenir une dérogation du Conseil de l’Ordre. Une fois l’obstacle levé, il devient le pionnier de ces interventions mobiles, avec une idée en tête : offrir un suivi médical digne à ceux qui en sont exclus.
Depuis, il a vu les visages de la rue changer. La population sans-abri se féminise, se rajeunit. « Qui dit jeunes femmes, dit enfants », constate-t-il. Mais les maux restent profonds. Si les pathologies dermatologiques ou infectieuses sont fréquentes, ce sont les troubles psychiatriques qui l’inquiètent le plus. « La rue fait souffrir, et la souffrance rend fou », confie-t-il à nos confrères d’Ouest-France. Son credo : soigner les plaies, mais surtout écouter, réconforter, et rendre un peu d’humanité.
Chevalier de la Légion d’honneur remis le 14 juillet !
Le 14 juillet 2025, Guy Lessieux a été fait chevalier de la Légion d’honneur. Une reconnaissance méritée pour un homme dont l’engagement s’est toujours tenu bien loin des projecteurs. Parmi les 589 personnalités distinguées cette année, Guy Lessieux figure dans le cercle restreint des vingt récipiendaires issus de l’« initiative citoyenne ». Un dispositif participatif qui permet à des citoyens de proposer des candidats pour la plus haute distinction française. Son nom a été soutenu par une cinquantaine de personnes, admiratives de son action.
En vingt-sept ans de maraudes, il a construit un modèle qui s’est exporté à Lille, Annecy, et dans bien d’autres villes. « Soigner des sans-abris, c’est grandir en humanité », aime-t-il dire au micro du Figaro. Une philosophie de vie plus qu’un slogan, que la République a choisi d’honorer. À travers lui, c’est une certaine idée de la médecine qui est célébrée : celle qui descend dans la rue, s’adapte, s’agenouille sur un carton s’il le faut, et panse autant les corps que les âmes. Guy Lessieux n’a jamais cherché les honneurs. Il les reçoit aujourd’hui comme un encouragement à continuer. Et peut-être, demain, à inspirer d’autres vocations.
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Juliette Deletoile
Journaliste – rédactrice
16/07/2025
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