Nexem est la principale organisation professionnelle représentant les employeurs du secteur social, médico-social et sanitaire privé à but non lucratif. Nous avons rencontré Alain Raoul, son président, pour parler avec lui de l’état du secteur social et médico-social en France et évoquer ensemble les solutions nécéssaires pour le rendre plus attractif, notamment auprès des jeunes.
Qu’est-ce que Nexem ?
Nexem est le principal représentant des employeurs associatifs de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale ! Nos adhérents gèrent plus de 11000 établissements en France métropolitaine et dans les territoires d’outre-mer et salarient plus de 330.000 salariés. Nos adhérents et professionnels agissent sur plusieurs secteurs d’activité : le secteur du handicap, la protection de l’enfance, le secteur de l’autonomie des personnes âgées, protection judiciaire de la jeunesse et le secteur d’exclusion. Un panorama qui représente les dix millions de personnes dites « vulnérables ». C’est pratiquement 15% de la population française.
Quel est le rôle de Nexem ?
Notre rôle est de valoriser ces métiers, permettre et d’accompagner ces professionnels car la reconnaissance n’est pas à la hauteur de l’action qui est menée. Mais nous animons également le dialogue social, la création de normes, la négociation d’une nouvelle convention collective du secteur qui à notre sens doit reconnaitre notre secteur pour ce qu’il est et pour permettre d’attirer un certain nombre de personnes, notamment en créant des parcours personnels. Les conventions collectives actuelles ne permettent pas de passer d’un secteur à un autre, par exemple, quand vous êtes dans le « secteur du handicap » et que vous voulez passer dans le « secteur de la protection de l’enfance », on repart à zéro. Il y a aujourd’hui un besoin de sécuriser et favoriser ces parcours professionnels.
Quels employeurs du secteur social sont représentés par Nexem ?
Nous représentons de grandes fondations, de grandes organisations, notamment la Croix Rouge qui est adhérente de Nexem, ou encore la Fondation de l’Armée du Salut. Mais également de plus petites associations, car notre but est de maintenir une diversité du secteur associatif de partout sur le territoire, outre-mer compris. Il y a un grand nombre de régions, de communes, où nos adhérents sont les principaux employeurs, c’est très important puisque ce sont des emplois qui par définition ne sont pas délocalisables. Le secteur offre une diversité de métiers, métiers éducatifs, médico-sociaux mais aussi des métiers de services généraux.
Pour avoir un ordre d’idée, que représente le secteur social et médico-social en France en terme d’emploi ?
Sur le secteur associatif, cela représente plus d’un million d’emplois et près de 4,5% de l’emploi salarié privé en France. Entre 2017 et 2019, nous avons eu une croissance en terme de salariés de 6,8%, alors que pour l’ensemble du secteur privé c’est 2,2%.
Quelles sont les principales difficultés que rencontrent les professionnels dans l’ accompagnement des plus vulnérables ?
Il y en a plusieurs, la première question c’est celle des moyens, car aujourd’hui nous avons un secteur et des besoins qui augmentent, mais les financements ne suivent pas et les moyens sont insuffisants. Dans notre secteur, la moyenne des rémunérations est 25% inférieure à la moyenne des rémunération en France tous secteurs confondus. Notre moyenne est de 1950 euros net, alors qu’en France c’est 2500 euros net. On a un sentiment de dévalorisation et de non-reconnaissance. La crise sanitaire a révélé les failles de notre secteur et un sentiment pour nos professionnels d’avoir été en première ligne et de ne pas avoir eu cette reconnaissance qui donne le sentiment d’être les derniers de cordées.
Quel est l’état du secteur des métiers de l’action sociale aujourd’hui ?
Actuellement, dans notre secteur, 50.000 postes ne sont par pourvus, avec des conséquences importantes, car aujourd’hui des dispositifs fonctionnent moins bien, certaines maisons de retraites ne sont remplies qu’à 60-70% car il n’y a pas assez de salariés pour accompagner les personnes qui en ont besoin. Il y également le manque d’accompagnement sur un aspect que le gouvernement met beaucoup en avant : le problème de l’autisme, car aujourd’hui, un certain nombre d’enfants ne sont pas accompagnés parcequ’il n’y a pas le personnel nécessaire. Un aspect est également inquiétant : celui des départs à la retraite, dans les prochaines années, 150.000 emplois vont être à pourvoir, on a ici un gisement d’emplois extrêmement important. L’année dernière, lors d’un évènement à Nantes, nous avons réalisé un sondage qui a révélé que 80% des français estimaient que ces métiers étaient nécessaires au bon fonctionnement de notre société et 73% considéraient que ces métiers n’étaient pas considérés à leur juste valeur.
Comment le rendre plus attractif ?
La principale question a traiter est celle des salaires, à travers une nouvelle convention collective nous souhaitons revaloriser les salaires, notamment les salaires d’embauches pour les jeunes. Car aujourd’hui, une aide soignante, un éducateur, qui accompagne des gens, ne peut pas vivre avec ce métier et on les retrouve dans d’autres dispositifs sociaux, ce qui est quelque chose de très difficile. On a accentué notre action auprès de l’apprentissage. Car les jeunes que l’on rencontre aujourd’hui nous disent que le métier est interessant mais qu’ils n’arrivent pas à se projeter dans un métier qui ne leur permettra pas de faire vivre leur famille. Ces métiers sont avant tout des « métiers porteurs sens » et beaucoup de personnes sont à la recherche de métiers qui ont du sens. On le voit dans le bénévolat, où ce sont ne sont plus seulement des retraités mais de plus en plus de jeunes qui viennent car ils ne se retrouvent pas complètement dans leurs métiers en matière de sens. Je trouve que cette recherche de sens dans la nouvelle génération est extrêmement positif ! Mais ces métiers utiles ne sont pas reconnus au niveau national mais plutôt reconnu comme un coût, alors que nous nous le voyons comme un investissement. Ce que nous essayons d’insuffler aux pouvoirs public c’est de montrer que c’est investissement sur l’avenir, avec dans un premier temps une meilleure qualité de vie pour les personnes en difficulté pour faire en sorte qu’on ne les retrouve pas dans d’autres solutions plus tard, solutions qui auront des coûts encore plus importants.
Pouvez-vous nous parler du Plan Marshall pour le social et médico-social demandé par les employeurs associatifs de Nexem au Gouvernement le 16 juin 2022 ?
C’est d’abord un choc des consciences, il faut prendre conscience de la place que tiennent nos professionnels et refonder un système qui est complétement éclaté sans véritable vision du système, une vision systémique du système. Par exemple, sur la politique de la protection de l’enfance, elle est confiée aux départements, dans notre pays nous avons 101 politiques de la protection de l’enfance. D’un département à un autre, les politiques ne vont pas être les mêmes et il y a une inégalité et une iniquité des politiques entre les départements. Nous on est pour la décentralisation, car cela permet de répondre aux besoins au plus près des personnes concernées mais il faut également des directions nationales sur le sujet. Au niveau des salaires, nous avons obtenu une revalorisation, sauf que certains départements s’y sont opposés en expliquant que ce n’était pas leur priorité. Ce plan demande avant tout des financements à la hauteur des besoins, il faut être dans de la réalité, ce qui manque dans notre secteur c’est ce que l’on appelle « le dernier kilomètre », c’est bien de dire qu’il faut faire une politique d’inclusion, mais comment reconnaitre et valoriser les personnes qui vont la mettre en place ?
Comment créer des vocations chez les jeunes ?
On souhaite developper la communication autour de ces métiers, notamment avec des témoignages de professionnels. Mais également l’orientation des jeunes dans les lycées et collèges, on a un travail a faire sur l’apprentissage. Par exemple, en 3ème, tous les collégiens doivent effectuer un stage mais nos établissements ne s’ouvrent pas à ces stages, en partie car les personnels sont surchargés. Cette possibilité de stage est un point important, on cherche également des solutions pour organiser plus de portes ouvertes dans les établissements car il n’y a rien de mieux que de se rendre dans un établissement pour discuter avec des professionnels. Il faut également mettre en avant le fait que ce métier permet un véritable enrichissement personnel avec un apport réciproque, c’est à dire que je donne, mais que je reçois également beaucoup de la part des personnes que j’accompagne au quotidien.
Publié le 05/06/2023
Par Paul Curato