À peine deux mois après avoir obtenu son titre de séjour français, l’acteur guinéen Abou Sangaré a remporté le prix de la Révélation masculine lors de la cérémonie des César 2025. Une consécration pour celui qui incarne le rôle principal dans le film L’histoire de Souleymane !
Dans un discours rempli d’émotion, Abou Sangaré a partagé son parcours difficile : « Je ne me considérais pas comme un être humain. Depuis que j’ai traversé la Méditerranée jusqu’en avril 2023, j’ai tout connu… la misère, tout ce qui fait l’être humain, le bon comme le mauvais. » Ces mots résonnent profondément alors qu’il reçoit son premier César, celui de la « Révélation masculine de l’année », sur la scène de l’Olympia à Paris.
Né le 7 mai 2001 à Sinko, un village du sud-est de la Guinée, Abou grandit dans un contexte modeste. Apprenti mécanicien, il décide de quitter son pays pour rejoindre la France, espérant pouvoir venir en aide à sa mère, gravement malade. Il traverse le Mali, l’Algérie, la Libye et l’Italie avant d’arriver à Paris en 2018, à 16 ans.
Pour éviter les contrôles policiers, il s’installe dans une plus petite ville que la capitale, à Amiens, où il trouve un travail comme mécanicien poids lourds dans un garage. Il devient également bénévole dans une association d’éducation populaire. C’est là qu’un responsable lui parle d’un casting, qui recherche des jeunes Guinéens.
Un César et un prix d’interprétation masculine à Cannes
En 2023, Abou décide de tenter sa chance, sans vraiment y croire. À sa grande surprise, il est rappelé pour un entretien, et rencontre Boris Lojkine, le réalisateur de L’histoire de Souleymane, qui lui propose le rôle principal.
Dans ce film, Abou incarne Souleymane, un Guinéen livreur de repas à Paris, luttant pour obtenir son statut de réfugié. Pour se préparer à ce rôle, Abou devient livreur à vélo à Paris pendant deux semaines avant le début du tournage.
Présenté en mai 2024 à Cannes dans la section Un Certain Regard, L’histoire de Souleymane remporte le prix du Jury, et Abou reçoit le prix d’interprétation masculine. Le film obtient également un prix aux European Film Awards, couronnant le talent exceptionnel de l’acteur.
Menacé d’expulsion du territoire français
Cependant, en dépit de son succès, Abou fait face à une situation compliquée : il est sans-papiers. Après trois demandes de régularisation et une obligation de quitter le territoire en juillet 2024, il traverse une période de doutes et est découragé. Mais en août, le préfet sollicite un réexamen de son dossier, reconnaissant son parcours d’intégration.
Finalement, Abou obtient son titre de séjour pour un an, après avoir présenté une promesse d’embauche comme mécanicien, conformément à la circulaire Valls de 2012. Début janvier 2025, il se rend à la préfecture et récupère son document : « La seule chose dont je me souviendrai toute ma vie, c’est le 8 janvier, le jour où j’ai retiré mon titre de séjour à la préfecture d’Amiens ! », confie-t-il avec émotion après la cérémonie des César.
À 23 ans, Abou exprime sa gratitude pour ce qu’il a accompli : « Je remercie tous les travailleurs et travailleuses du cinéma, ainsi que Pierre Niney d’avoir été mon parrain. À partir d’aujourd’hui, j’ai une dette envers le cinéma, car non seulement j’ai obtenu mon titre de séjour, mais je suis aussi entouré des bonnes personnes, ce qui est une chance incroyable que je n’aurais jamais imaginée. »
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Adèle Delechat
Le 01/03/2025