À travers la photographie, Zoé Millerot sublime les cicatrices des femmes atteintes du cancer du sein en s’inspirant du Kintsugi, un art japonais qui consiste à réparer les objets brisés avec de l’or.
Transformer ce qui est brisé en quelque chose de beau. C’est la philosophie de Zoé Millerot, une jeune photographe originaire de Troyes. Mais comment une simple photo peut-elle accomplir une telle transformation ? La réponse réside dans son approche artistique et thérapeutique. Zoé Millerot ne se contente pas de capturer des images. Elle crée une véritable expérience pour des femmes atteintes du cancer du sein afin de les aider à réapprendre à aimer leur corps. Son travail vise à transformer le regard que ces femmes portent sur elles-mêmes.
En entrant dans son studio, plusieurs univers s’entremêlent. Il y a un coin sombre, presque ténébreux, aux accents rock. « Je pense qu’on va prendre des photos ici « , dit-elle en pointant cet espace à Christelle Duhoux, une femme d’une cinquantaine d’années, atteinte du cancer du sein. « C’est plus approprié pour la prise de photo », ajoute-t-elle. Car même si Zoé Millerot réalise aussi des séances photos « classiques », les séances avec les femmes ayant traversé la maladie sont très différentes. « Il y a un travail à faire avant, pendant et aussi après la séance », raconte la troyenne.
Sublimer les cicacatrices à la feuille d’or
« Le projet est né après que des femmes m’aient demandé de retoucher leurs vergetures ou leurs ventres après une grossesse », note la photographe. « J’ai trouvé ça dommage car ces marques racontent une histoire. » C’est alors que l’idée lui est venue de sublimer les cicatrices, inspirée par le Kintsugi, cet art japonais qui répare les objets brisés avec de la poudre d’or.
Le processus de création commence par l’application de feuilles d’or sur les cicatrices proches des seins. Ce qui était autrefois un défaut devient un symbole de beauté et de résilience. En recouvrant les cicatrices avec de la feuille d’or, elle redonne vie à ce qui était perçu comme brisé. « Je ne suis pas très à l’aise avec le contact physique, mais le pinceau et la feuille d’or me permettent de garder une certaine distance tout en créant un lien avec ces femmes, » raconte Zoé Millerot. « L’or sublime ce qui les a blessées et attristées pendant des mois. »
Christelle Duhoux, l’une des modèles, se souvient avec émotion de son premier shooting en 2023. « L’année dernière, j’étais terriblement mal à l’aise. Je ne voulais pas que mes cicatrices soient visibles. Mais Zoé Millierot a insisté pour les mettre en valeur grâce à l’or. Elles sont devenues belles à mes yeux. Aujourd’hui, je regarde mes premières photos avec fierté « .
Reportage vidéo format long Youtube
Un an plus tard, Christelle Duhoux décide de refaire des photos pour constater l’évolution. « Le changement est incroyable. Je suis beaucoup plus en paix avec moi-même. » Cette fois, elle se déshabille avec assurance devant Zoé Millerot et observe ses cicatrices avec un regard plein d’émotions. « J’ai toujours les larmes aux yeux en regardant mon corps », confie-t-elle, la voix tremblante. Parfois, les cicatrices peuvent être rouges, dures, ou boursouflées, mais « appliquer de l’or dessus les rend tellement plus belles ! « s’exclame-t-elle.
» Je m’en souviendrai toute ma vie «
Depuis un an, Zoé Millerot collabore avec l’association Les Ateliers des Petites Herbes, spécialisée dans le bien-être. Ensemble, elles ont mis en place des ateliers d’art-thérapie pour les femmes touchées par le cancer du sein. Christelle Duhoux qui a eu accès à ce shooting était également accompagné d’Amélie Duhoux. « Je suis revenue témoigner des bienfaits que j’ai tiré de cette séance« , précise cette dernière.
Même si elle ne porte pas de cicatrices visibles, Amélie Lainé garde en elle les stigmates invisibles de la maladie. » Zoé a su voir au-delà de ce que je lui montrais. Elle a sublimé mon image, mes couleurs, et a redonné de l’estime à une période si floue de ma vie. Ces photos m’ont apporté de la douceur. Il y a un avant et un après cette séance. Je m’en souviendrai toute ma vie. »
La séance photo comme acte de guérison
« Les retours positifs que je reçois de ces femmes me comblent de bonheur », confie Zoé Millerot. « Cela m’a permis de réaliser ce que j’ai toujours voulu faire de l’art thérapie. Ces moments de partage sont d’une richesse incroyable. J’en ressors chaque fois émue et grandie. » À l’occasion d’Octobre Rose, mois de sensibilisation au cancer du sein, Zoé Millerot multiplie les expositions de ses photographies pour encourager les femmes à envisager la photo comme une forme de thérapie, tout en soulignant l’importance du dépistage.
« Il est crucial de rappeler que ce cancer peut toucher tout le monde, même celles qui ne s’y attendent pas », souligne Amélie Lainé. « Je l’ai découvert grâce à ma meilleure amie qui m’a poussée à me faire dépister. Sinon, je ne l’aurais peut-être pas fait à temps », regrette-t-elle.
Claire VALENTIN
24 octobre 2024