Sur les planches du théâtre Mogador, Karl Paquette, danseur étoile et professeur à l’école de danse de l’Opéra de Paris, a imaginé une version réinventée du célèbre Lac des Cygnes. Adapté aux jeunes spectateurs, ce spectacle transporte petits et grands dans l’univers féerique de la danse classique.
À quelques heures du lever de rideau, l’effervescence règne déjà dans les coulisses du théâtre Mogador. Sur scène, les barres d’échauffement remplacent pour le moment les décors. Karl Paquette, vêtu d’un jogging et d’un t-shirt à l’effigie de Mon Premier Lac des Cygnes, orchestre l’échauffement de sa troupe, composée d’une vingtaine de danseurs professionnels. « À la fois, je m’occupe d’être performant et de gérer toute l’équipe. L’esprit est toujours aux autres et en même temps, il faut aussi garder un tout petit peu de temps pour soi ! », confie-t-il.
Petit rat de l’Opéra devenu danseur étoile, Karl a passé 25 ans sur scène à danser pour l’Opéra de Paris. Désormais âgé de 47 ans, il se consacre à la transmission de sa passion. « À ma retraite, à 42 ans, je me suis dit qu’il fallait transmettre tout ce que moi j’avais appris. Une vie, parfois, ça se joue à peu de choses. Et les belles rencontres font de beaux projets. » Depuis cinq ans, la même troupe de danseuses et de danseurs l’accompagne dans ce beau projet : celui d’initier la danse aux enfants.
Crédit : Julien Benhamou
Repenser le ballet originel
Tout part d’une réflexion. Alors qu’il dansait à l’Opéra, Karl a remarqué une chose surprenante. « Mes enfants s’endormaient à mes propres spectacles ! Évidemment, ça fait toujours bizarre, mais en même temps je comprenais. Même si c’était papa sur scène, ils étaient fatigués et ne comprenaient pas très bien le déroulé de l’histoire. Alors je me suis dit qu’il fallait trouver un autre concept. » L’idée en tête, il imagine un ballet plus adapté à leur âge et à leur capacité d’attention.
Mon Premier Lac des Cygnes n’est pas une simple adaptation. Karl a choisi de condenser le ballet originel, long de près de trois heures, en deux actes de 40 minutes, séparés par un entracte. « Ce format est idéal pour les enfants, dont l’attention est limitée », explique-t-il. La narration, une innovation audacieuse dans le monde du ballet, guide les spectateurs à travers l’histoire. « La voix de Clément Erbé-Léger permet, même aux adultes, de s’immerger totalement. »
Ce ballet, loin d’être simplifié, conserve tous les codes de la danse classique. Des morceaux mythiques comme la danse des petits cygnes et le pas de deux du Cygne Noir ont été sélectionnés avec soin. « Le plus compliqué, ça a été de faire le découpage de cette partition de Tchaïkovski. Il fallait respecter l’œuvre tout en rendant le spectacle accessible. »
Démocratiser la danse classique
Au-delà du format, Karl veut rendre le ballet accessible à tous. À Mogador, les places commencent à 25 euros. « Contrairement aux grandes salles parisiennes, ici, peu importe où l’on est assis, on voit bien. C’est mieux pour les familles », explique-t-il. Cette approche inclusive reflète aussi son désir de briser les clichés sur la danse classique. « Quand j’étais petit, la danse était perçue comme réservée aux filles ou aux garçons ‘différents’. Je veux changer ça. La danse, c’est pour tout le monde. »
Karl se réjouit de voir un public varié franchir les portes de Mogador. Il se souvient avec émotion de ce vieil homme venu le remercier : « C’était son premier ballet. Il avait attendu tout ce temps, et grâce à ce projet, il s’est senti capable d’oser. »
Crédit : Julien Benhamou
Une troupe de danseurs soudés et passionnés
Alors que l’heure approche, Karl et sa troupe se rassemblent pour un dernier rituel. Les premières notes de Tchaïkovski résonnent, et l’atmosphère s’emplit de magie. Le danseur, qui incarne désormais Rothbart, le sorcier du Lac des Cygnes, s’élance sur scène. « Pourquoi Rothbart ? Parce que je ne peux plus faire le prince. Je n’ai plus l’âge ni le physique, mais ce rôle me va très bien ! »
Le spectacle, joué tous les week-ends entre les représentations du Roi Lion, enchante enfants et adultes depuis cinq ans. « J’ai compris qu’on avait fait un grand ballet. J’avais respecté tout ce que je voulais faire, à savoir de la vraie danse classique. À chaque fois, on entend l’émerveillement du public. Pour nous, c’est une vraie réussite », se réjouit Karl. Et la troupe de Mon Premier Ballet ne compte pas s’arrêter là ! Après Le Casse-Noisette et Le Lac des Cygnes, ils s’attaqueront l’an prochain à La Belle au Bois Dormant. « Avec de bons ingrédients, on a de bonnes recettes. Et je serai là, même avec un an de plus. » De quoi nous faire rêver encore longtemps.
Mon Premier Lac des Cygnes – Théâtre Mogador – Paris – à partir de 29 euros
Juliette Sergent
Le 24 décembre 2024