Entre 2021 et 2023, l’aventurier Loury Lag et l’athlète tétraplégique Martin Petit ont exploré les arcanes de la Résilience. Au terme d’un cycle d’aventures qui les aura poussé à affronter tous les éléments, ils ont accédé à une forme de guérison de leurs traumatismes respectifs. En sort un livre qui retrace leur voyage, deux portraits opposés qui se rejoignent dans l’Aventure.
La résilience, c’est une capacité à surmonter les épreuves. Pour un aventurier, la résilience c’est ce feu fondamental qui ne s’éteint jamais. C’est une capacité à absorber la dureté des choses et à les surmonter. En psychologie, la “Résilience” est un terme tout aussi central, popularisé par le psychiatre Boris Cyrulnik. Il désigne en des termes simples tout le processus qui conduit à la reprise d’un bon développement après un traumatisme chez un individu. C’est autour de ces deux acceptions du terme que Loury Lag et Martin Petit ont mené un cycle d’aventures. Le duo a exploré la résilience de l’esprit humain, d’une façon intériorisée à travers les épreuves de l’un. D’une façon extérieure, en se confrontant à l’hostilité du monde sauvage.
Mais leur résilience, c’est aussi l’histoire de la rencontre de deux personnalités traumatisées.
Un aventurier “électrique”
L’aventurier français Loury Lag a été confronté à presque tous les environnements imaginables, testant ainsi sa résilience face aux défis que la nature lui impose. Il a marché à travers le désert des Bardenas en 2017 et la calotte glaciaire du Vatnajökull en Islande en 2019. En 2020, il a traversé 245 km du Sahara et gravi 7 des sommets les plus élevés du monde sans guide. Enfin, en 2021, il a navigué à travers l’Atlantique à la voile aux côtés de son père.
Ce dernier voyage, c’est aussi celui d’une autre résilience. Celle qu’il a dû former au cours d’une enfance difficile. Maltraité par sa mère, battu par son père, sa personnalité semble avoir pris celle d’une plante tenace. Une résilience mentale. Longtemps, Loury s’est nourri de colère dirigée contre le monde entier. Il survit à l’école qu’il quitte à 14 ans. Il survit aussi dans la délinquance pendant des années. Enfin, il survit en prison, où il fête ses 20 ans. Prendre la mer avec son père, c’était lui pardonner, et guérir.
Martin Petit, l’athlète handisport
Guérir c’est aussi le combat de Martin Petit. Mais son corps ne guérira pas, il est tétraplégique. Athlète bordelais, Martin faisait ses études en management du sport et l’avenir semblait brillant. Ce jour d’Août 2017, sur une plage des Landes, il plonge tête la première dans l’océan. A 25 ans, son avenir se brise aussi nettement que ses cervicales et sa vie bascule. « Le projet « Résilience » a été salvateur et galvanisant. Je pense que tout le monde a cette capacité de résilience en lui… », confie Martin « Résilience : abandonner n’est pas une option« . Après des mois de soins intensifs et de rééducation, Martin reprend finalement un Master en marketing. Mais parallèlement, il poursuit une activité handi-sportive. Le vrai combat, sa résilience, c’est désormais de sensibiliser sur le handicap.
« Me rendre visible, c’est parler de mes difficultés, comme celles que je rencontre lorsque je fais le marché et que je me retrouve devant un étal trop haut. Obstacles du quotidien auxquels sont aussi confrontés ceux qui sont dans la même situation que moi. »
Martin Petit dans « Résilience : abandonner n’est pas une option » 2023, p.17
Entre Martin Petit et Loury Lag, une véritable affinité s’est révélée. Leurs épreuves les ont forgés chacun dans leur style et ensemble, ils se sont lancés dans le projet fou de “Résilience”
Les quatre piliers de la Résilience
Lorsque Loury contacte Martin en 2021, une idée l’obsède. Comment se fait-il que lui, qui vit de la prise de risque, ait toujours bénéficié d’une chance surnaturelle ? Le risque est calculé, maîtrisé, mitigé mais omniprésent. Martin lui a payé extrêmement cher une seule seconde d’inattention. Le projet “Résilience” se construit alors autour de ce contraste entre deux portraits. Une “tête brûlée” à la chance insolente et un sportif méticuleux à qui une seule infortune a suffi. Une série de quatre aventures s’étale alors aux pieds des compères. Un cycle de la guérison qui devra illustrer les étapes du chemin de la Résilience : le Déni, la Colère, l’Acceptation et la Renaissance.
En un peu moins de trois ans, Loury et Martin franchissent ces étapes en bravant la montagne, l’air, le sable ou la neige. Au Déni répond l’ascension du lac d’Anayet à 2230m dans les Pyrénées. La Colère a vu notre duo franchir 50km de désert brûlant pour atteindre le sommet Erg Zahar, la plus haute dune du Sahara.L’acceptation leur a donné des ailes pour s’envoler en parapente et planer autour du Mont-Blanc. La Renaissance enfin, a mis Loury et Martin sur un bateau. A bord d’un voilier, ils ont traversé le golfe de Gascogne en direction du lieu de l’accident de Martin.
« Résilience :Abandonner n’est pas une option”
De leurs chemins, Loury Lag et Martin petit ont fait un livre “Résilience” paru le 6 septembre 2023 chez Epaventure. Ils y racontent sans ambage l’envers du décor de l’Aventure. La peine, la souffrance, les difficultés techniques, les prises de tête. Ils y livrent également le récit d’une amitié, forgée et testée dans l’adversité. Le dépassement de soi, l’entraide, la guérison enfin. Leur histoire est aussi le récit du risque, pierre angulaire de leurs profils. Elle est sous-titrée “Abandonner n’est pas une option”, pourtant l’option s’est posée de nombreuses fois.
Avec le projet “Résilience”, Loury Lag et Martin Petit ont posé des jalons. Une volonté personnelle de guérir. Une démonstration de dépassement qui ouvre l’accès à la nature aux personnes en situation de handicap. Et une prise de position peut-être, sur la notion de risque comme concept clé de l’Aventure sous toutes ses formes.
Adrien Tydgadt