Josephine Baker avait deux amours, son pays et Paris. Son pays, les États-Unis où elle naquit le 3 juin 1906 à Saint-Louis dans le Missouri, Paris qui lui réserva un accueil triomphal dans «La Revue nègre» au théâtre des Champs-Élysées à partir d’octobre 1925.
Elle fait à la fois salle comble et scandale, dansant le charleston presque nue, vêtue d’un pagne et d’une ceinture de fausses bananes. En parallèle de sa carrière de danseuse et meneuse de revue au Casino de Paris et aux Folies Bergères, elle se lance dans la chanson en 1930 avec son titre emblématique « J’ai deux amours ». Le succès fut immédiat et colossal, l’argent coule à flots. Joséphine se montre alors généreuse puisque c’est à partir de cette époque qu’elle commence à faire des dons à des œuvres caritatives, aux Hôpitaux de Paris, aux écoles, aux enfants et la liste est encore longue ! Elle n’a pas oublié les années difficiles de son enfance, avec une mère célibataire peu amène qui la place très jeune pour servir une famille de blancs afin de ramener un peu d’argent à la maison. Elle a connu la misère, Joséphine, et elle s’en souvient !
En 1937, elle épouse Jean Lion, un courtier juif qui a fait fortune dans le sucre. Grâce à ce mariage, elle obtient la nationalité française. Le couple s’installe au château des Milandes à Castelnaud-Fayrac que Joséphine Baker appellera son « château de la Belle au Bois dormant ». Leur mariage ne durera que 3 ans et se soldera par un divorce en 1940, mais Joséphine aidera Jean Lion et sa famille à fuir vers les États-Unis au début de la guerre et lui épargnera ainsi les persécutions.
Tout au long de sa vie, Joséphine Baker a lutté contre le racisme, la ségrégation et l’anti-sémitisme. Elle participe notamment à la Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté aux côtés de Martin Luther King en 1961.
C’est en 1947 qu’elle convole en justes noces avec Jo Bouillon, chef d’orchestre qui accompagne de grands artistes de l’époque tels que Georgius, Mistinguett, Maurice Chevalier et bien sûr Joséphine . C’est avec lui, qu’après avoir été victime d’une fausse couche, Joséphine décide d’adopter des enfants, tous de nationalité différente, pour prouver que la cohabitation de « races » différentes pouvait être un succès ! Ils adoptent ainsi 12 enfants pour former leur « tribu arc-en-ciel ».
Tout au long de sa vie, Joséphine a lutté contre le racisme, la ségrégation et l’anti-sémitisme. Elle participe notamment à la Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté aux côtés de Martin Luther King en 1961. Elle s’est également engagée très tôt dans l’action de la LICA qui deviendra la LICRA en 1980.
Mais si ces combats sont louables et importants justifient-ils pour autant son inhumation dans un lieu aussi prestigieux que le Panthéon ?
« Aux grands hommes, la Patrie reconnaissante » peut-on lire sur le fronton de ce monument. Et il n’en manque pas de « grands hommes » ce Panthéon ! De Victor Hugo à Jean Moulin, en passant par Jean Monnet, André Malraux et Pierre Curie ou encore Voltaire, Alexandre Dumas et Jean Jaurès, nous trouvons là la fine fleur de ce que la France a produit d’érudits et d’hommes d’honneur, qu’ils se soient révélés pour faits d’armes ou en littérature, en sciences aussi bien qu’en politique, sans oublier ceux qui ont sacrifié leur vie pour leur pays en s’illustrant dans la résistance.
Aux grands hommes donc mais aux grandes femmes aussi ! La première femme inhumée au Panthéon s’appelle Sophie Berthelot (1837-1907). Elle était l’épouse du chimiste Marcellin Berthelot (1827-1907). Marcellin décédera seulement quelques heures après Sophie le 17 mars 1907. Le 20 mars, les parlementaires décident de funérailles nationales pour Marcellin et son entrée au Panthéon est votée le 24. A la demande de la famille, les deux époux ne furent pas séparés et sont ainsi inhumés ensemble.
Marie Curie (1867-1934), prix Nobel de chimie, est la première femme inhumée au Panthéon pour son mérite propre. Elle y repose aux côtés de son mari, Pierre Curie (1859-1906), depuis 1995.
Geneviève de Gaulle-Anthonioz (1920-2002) nièce de Charles de Gaulle, résistante et militante des droits de l’homme et de la lutte contre la pauvreté, elle est présidente de l’antenne française d’ATD Quart Monde de 1964 à 1998. Panthéonisée en 2015, son cercueil ne contient que de la terre issue de son cimetière, la famille ayant refusé qu’elle soit séparée de son mari.
Enfin Simone Veil (1927-2017) déportée et rescapée d’Auschwitz, magistrate, femme politique, ministre de la Santé, présidente du Parlement européen. Elle est à l’origine de la loi « Veil » qui dépénalise le recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en 1974. Avec son époux, Antoine, elle est la dernière en date à entrer au Panthéon en 2018.
Et donc, Joséphine dans tout ça ? Se dandiner sur scène attifée d’une ceinture de bananes mériterait donc le Panthéon ? Si pour beaucoup d’entre nous, c’est cette image qui la caractérise le mieux, sa vie ne se résume bien évidemment pas à sa carrière de chanteuse et meneuse de revue, loin s’en faut ! Ce serait oublier l’engagement dont Joséphine a fait preuve tout au long de son existence, et tout particulièrement durant la 2è guerre mondiale !
« C’est la France qui m’a faite. Je suis prête à lui donner aujourd’hui ma vie. »
Cette période de sa vie est sans doute, et très injustement, la plus méconnue. Dès 1939, elle est recrutée par le 2è Bureau des Forces Françaises Libres. Sa renommée internationale lui permet d’aller et venir à sa guise, au gré de ses prestations artistiques. Ainsi, Joséphine Baker chante pour les soldats au front, aide des réfugiés à quitter la France, devient agent du contre-espionnage français, utilise ses partitions pour faire passer des messages codés, profite de sa notoriété pour fréquenter les soirées huppées et y glaner de précieux renseignements auprès de tous les officiers qu’elle rencontre ! Elle se mobilise pour la Croix-Rouge, soutient les troupes alliées durant une longue tournée qu’elle fera en jeep entre 1941 et 1944, qui la mènera de Marrakech au Caire, de Beyrouth à Damas. Ses missions sont nombreuses ! Elle transmet par exemple à des agents britanniques un micro-film, contenant une liste d’espions nazis, qu’elle a caché dans son soutien-gorge.
Dévouée à la France, Joséphine Baker déclare : « C’est la France qui m’a faite. Je suis prête à lui donner aujourd’hui ma vie. Vous pouvez disposer de moi comme vous l’entendez ».
Engagée dans les Forces Féminines de l’Armée de l’Air, elle est nommée sous-lieutenant. Elle débarque à Marseille en 1944. Tout en continuant ses activités au service de la Croix-Rouge, elle suit la progression de la 1ère armée française et chante pour les soldats et les résistants.
En 1946, elle fut décorée de la Médaille de la résistance française avec rosette. Les insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur et la Croix de guerre 1939-1945 avec palmes lui seront décernés en 1961.
C’est donc tout naturellement, sur une idée de Régis Debray, écrivain, philosophe et haut fonctionnaire français, qu’une pétition « Osez Joséphine » est lancée à l’initiative de l’essayiste Laurent Kupferman. Elle recueille 37 920 signatures.
Le Président de la République, Emmanuel Macron, ayant donné son aval, Joséphine Baker entrera donc au Panthéon le 30 novembre prochain, jour anniversaire de sa naturalisation française, il y a 84 ans.
Pascale E.