En 2023, Louise Boudaud s’est donnée l’objectif de marcher pour rejoindre la Chine. Partie depuis la France, elle marche pour se donner le temps de traverser les pays et les cultures qui séparent l’Orient de l’Occident. A la rencontre de l’Autre, son périple l’amène à s’immerger dans les mentalités de ceux qui l’hébergent. Marcher seule, c’est se rendre disponible pour observer. Aujourd’hui elle a accepté de livrer en détail son approche de l’Aventure !
“Je viens d’arriver à Sofia, j’ai marché toute la matinée !” Au téléphone, la voix de Louise Boudaud sonne enthousiaste, ardente et résolue. Elle profite de son repas de midi pour répondre à nos questions. Lancée sur un périple pour rejoindre la Chine depuis la France, Louise passe Noël en Bulgarie et nous a raconté sa belle aventure. Louise Boudaud, c’est d’abord une aventurière de 27 ans passionnée par la Chine. Un coup de foudre culturel qui tourne au choc lors de ses premiers voyages dans l’empire du milieu.
En effet, son parcours l’amène à visiter la Chine lors d’un premier voyage en classe de seconde. Mais alors qu’elle fait ses études à Rouen en prépa commerce, un échange universitaire à Chengdu scelle une fascination qui ne tarira plus. La capitale du Sichuan la bouleverse tant qu’elle entreprend de visiter les alentours ! “Pendant mon échange j’avais cours trois jours par semaine ce qui me laissait beaucoup de temps ! J’ai un peu visité et je me suis déplacé par exemple dans la région du Xi’an !”
En riant, Louise se remémore cette appétence et comment elle s’est fondue dans une autre idée qui lui tenait déjà : “En fait, je m’étais toujours dit qu’un jour dans ma vie je ferai un tour du monde. Mais c’était pas du tout concret, je ne savais pas encore comment ni quand, c’était très flou !” Dans l’avion du retour ce mois de juillet 2019, elle prend sa décision : “Je vais marcher et retourner en Chine, à pied.”
“L’objectif premier du voyage c’est de rencontrer l’autre”
Le défi est considérable ! Il faut penser à beaucoup de choses et en premier lieu avoir en tête une démarche qui va la guider. “Je me suis dis, de la France à la Chine, je vais découvrir toutes les cultures qui séparent nos continents ! En traversant 14 pays, je veux voir comment les choses évoluent graduellement, comment les cultures se touchent et changent avec le paysage. Et c’est fascinant de faire ça à pied !”. A l’heure où le monde érige des murs et les cultures se distinguent sous l’impulsion des réalités géopolitiques, Louise Boudaud rappelle que les cultures sont les feuilles d’un même arbre. Elles poussent en branches, et se ressemblent autant qu’elles parlent entre elles.
Mettre en place une marche de 10.000km !
Découvrir l’autre, au-delà du préjugé et de l’idée perçue, ça ne s’improvise pas non plus, et Louise s’est alors mise immédiatement au travail. “J’ai bossé pour avoir un peu d’argent et j’ai réussi à mettre dix-mille euros de côté. Je me suis dis, dès que j’ai dix-mille euros, je démissionne et j’y vais ! Bon j’ai quand même mis quatre mois à démissionner” s’esclaffe-t-elle. Louise compte alors sur un budget de 10€ par jour pour atteindre son but. Mais ce qu’elle découvre lors de son périple va au-delà de ses espérances. “Avec la générosité des gens, c’est beaucoup moins ! Par exemple en Bosnie, d’où je viens juste, je n’ai rien payé pendant quasiment trois semaines ! C’est une découverte incroyable que ces pays des Balkans où les gens donnent simplement. ”
Elle fait un rapide calcul avant d’annoncer : “Jusqu’ici j’ai fait 93% du parcours à pied. Je ne fais pas de stop, mais il pleuvait tellement sur la route de Sofia que des gens se sont spontanément arrêtés et m’ont demandé où j’allais avant de m’avancer.” La conversation prend alors un tour passionné. Beaucoup de questions se mêlent et notamment celle de la solitude de son parcours. Quid des dangers de la route ? Et comment gérer aussi un ennui qui s’installe parfois ? Le sourire de Louise est audible. “Je suis quelqu’un de très sociable pourtant ! Seulement, cette fois ci je n’avais pas envie de faire des compromis. Quand on voyage à plusieurs, on est toujours en discussion avec l’autre. Pour combien on marche, quand est ce qu’on s’arrête, est ce qu’on fait confiance ou pas à ces gens, etc.. J’avais envie d’être libre et de vivre mon aventure !”
Comment marcher lorsqu’on est seule ?
“Je suis seule mais finalement je ne suis jamais seule. Ça me permet de mieux découvrir l’Autre, de m’immerger complètement dans la vie de ces gens qui m’hébergent. Lorsque je passe la nuit en bivouac c’est vrai que je peux me sentir un peu seule, mais ça renforce l’intensité de la rencontre !” Contre toute attente, la jeune exploratrice explique qu’être une femme seule l’a beaucoup aidé pendant son périple. “Être une femme seule, contre toute attente, m’aide. Beaucoup de gens m’hébergent peut-être par souci de protection ce qui serait plus difficile si on était deux.”
Enfin, le lien avec la France n’est jamais complètement rompu, Louise l’illustre avec une anecdote : “ma seule façon de communiquer c’est par Whatsapp. J’ai créé un groupe avec mes amis et ma famille pour qu’ils puissent me suivre. Ça m’a beaucoup aidé. En Italie j’ai passé une semaine très difficile à bivouaquer tous les soirs. Comme la région était touristique, il n’y avait pas de lien avec l’Autre, pas de générosité. Je me suis sentie très seule, et heureusement que j’ai reçu le soutien de tout le monde.”
Marcher, c’est construire et appartenir
Marcher en solitaire à des kilomètres de chez elle, “c’est le côté un peu négatif !” explique-t-elle, mais ce n’est rien à côté de ce qu’elle retire “d’être seule dans le paysage, à contempler le coucher du soleil. » Ces moments, confie-t-elle, dissipent le doute et renforcent le sentiment d’appartenance. “Je me dis, c’est pour ça que tu le fais !” Et puis c’est l’occasion d’un véritable travail sur soi-même. “Avec la marche, j’ai des pensées extrêmement positives et constructives, j’avance !”
Son voyage n’est pas non plus une quête introspective. Louise balaye rapidement cette image en déclarant : “je suis partie à un moment de ma vie où j’étais apaisée, mon métier me plaisait, j’étais hyper en phase. Je n’ai pas fui ! Je pars parce que je suis bien et que c’est le meilleur moment pour y aller. Le fait d’être bien me rend disponible et me met dans une meilleure disposition pour aller vers l’Autre”
Traverser les cultures, et marcher à la rencontre des peuples
L’Autre, c’est encore le thème central de son expédition. Marcher et voir le dégradé des couleurs le long des routes de la soie et les gens changer de visage tout en gardant ce quelque chose en commun. “On parle une langue différente, la religion est différente, on ne mange pas les mêmes choses mais dans le fond on veut tous la même chose : on veut vivre en paix, que nos enfant aient à manger et une bonne éducation et que notre famille soit stable ! C’est ce qui ressort de tout ce que j’ai vu dans toutes les familles qui m’ont accueillies”.
La langue est le premier attribut d’une culture, et pour cela Louise partage un secret de voyageur : “en marchant j’ai eu le temps d’apprendre les langues ! Personne ne me croit quand je dis ça”, dit-elle en riant. “De France en Italie j’apprends les mots. Les premiers jours sont toujours compliqués, on parle avec les mains, en Serbie par exemple à la fin je parlais en Serbe.” Et en effet quoi de mieux pour illustrer le lien entre les peuples que les passerelles de la langue pour sauter d’un pays à l’autre ? “On peut utiliser la langue d’à côté et se faire comprendre. Le Bulgare c’est assez similaire au Serbe alors j’arrive à me faire comprendre.”
Mais enfin, par où passer ?
Il faut dire que le temps long de la marche se prête au jeu. Celui de l’itinéraire aussi ! Ce point là a aussi été quelque part une gageure. “J’ai dû changer mon itinéraire en effet. De France en Italie ; puis la Suisse, la Slovénie, la Croatie, la Bosnie, la Serbie et enfin la Bulgarie.” Et pour la suite ? “J’attend beaucoup de la Turquie, trouver ce point de pivot historique entre l’Europe et l’Asie.” De nombreuses belles choses attendent encore Louise qui déroule son itinéraire : “après, la Géorgie et l’Azerbaïdjan. J’ai pensé à traverser la Caspienne et faire le trio Turkménistan, Ouzbékistan, Tadjikistan, mais c’est un peu trop chaud.” Finalement, ce sera le passage par le Nord et il faudra marcher vers la Russie pour arriver au Kazakhstan.
Au premier quart de la marche !
Comment raconter un voyage comme celui-ci ? Comment faire vibrer une aventure lorsqu’elle traverse 14 pays ? Louise, qui ne pratique pas beaucoup les réseaux sociaux, avance une idée : “écrire un livre. Je pense que beaucoup de choses passent par l’écriture. Je prendrai le temps de développer mes observations et partager l’expérience”. Cette fin d’année, Louise la passe à Sofia en Bulgarie. “Ma famille arrive ici pour passer Noël avec moi, puis je repars le 3 janvier.” La neige sera probablement tombée sur la route. Elle confie : “avant, j’étais pas du tout une aventurière ! J’ai fait mon premier bivouac dans la neige”.
Louise illustre une réalité qui impressionne parfois, celle où chacun peut marcher vers l’Aventure. La choisir, et la saisir. A l’ambiance anxiogène qui fait le monde d’aujourd’hui, répond le voyage à la découverte de l’Autre. Au premier quart de la marche, nous laissons Louise prendre son repos bien mérité. Le Média Positif continuera de suivre son périple et lui souhaite les plus belles rencontres.
Adrien Tydgadt