Président de la Ligue Nationale de Rugby depuis peu, Yann Roubert est désormais l’une des figures clés du paysage rugbystique français. Dans cet entretien, il revient avec nous sur les défis actuels de la LNR.
Journaliste : Quelles sont les valeurs qui vous plaisent dans le rugby ?
Yann Roubert : Le rugby, c’est un sport merveilleux, c’est un des très rares sports qui est ouvert à toutes les origines et tous les gabarits, c’est assez rare. Dès les plus jeunes catégories, il n’y a pas de critères discriminants. C’est un sport inclusif par nature. Le rugby, c’est aussi une école de la vie. On y croise toutes sortes de personnes, avec un vrai esprit de solidarité. C’est un sport d’équipe, d’engagement. On y apprend le respect, sous toutes ses formes : respect des partenaires, du maillot, de l’adversaire, des règles, du public. Je trouve que nous avons la chance d’évoluer dans un environnement où ces valeurs sont encore très vivantes, portées par des passionnés.
Le Top 14 de la Pro D2 sont des championnats qui attirent de plus en plus. Qu’est-ce qui fait aujourd’hui leur attractivité face aux autres championnats ?
Il y a une vraie dynamique autour du rugby français. On ne le souligne pas assez, mais nous avons la chance d’avoir un championnat national qui est aujourd’hui le plus attractif au monde. C’est celui qui attire le plus de spectateurs dans les stades, le plus de téléspectateurs à la télévision, les plus grandes stars du rugby et certaines des plus belles équipes. D’ailleurs, sur les cinq dernières éditions de la Coupe d’Europe, ce sont des clubs français qui les ont remportés : Toulouse deux fois, La Rochelle deux fois, et Bordeaux cette saison. C’est une vraie fierté.
La télévision commence à diffuser des matchs de division 1 féminine. Comment la Ligue accompagne-t-elle le développement du rugby féminin ?
Nous avons un rôle d’accompagnement, évidemment. Les clubs sont très investis, même si ce n’est pas directement sous notre gestion. Et puis, nous agissons aussi à travers un partenariat tripartite avec Canal+ et la Fédération pour valoriser le rugby féminin. Cette saison, cinq matchs d’Élite 1 ont été diffusés, la finale le sera aussi. Ce dispositif sera reconduit la saison prochaine. Cela permet de donner de la visibilité à un rugby féminin qui progresse, tant dans la qualité du jeu que dans sa reconnaissance. Et c’est une excellente chose.
« C’est un sport où les stars se mettent au service du collectif. »
En France, tout le monde connaît Antoine Dupont. Trouvez-vous qu’on assiste à une forme de starification du rugby ?
En France, tous les sports ont besoin d’une tête d’affiche et Antoine en est une formidable. Mais le rugby reste un sport profondément collectif. Il se joue à 15 sur le terrain, à 23 sur la feuille de match, à 45 dans le groupe, et avec des centaines de personnes autour du club. Et ce qui est remarquable, c’est que nos stars restent avant tout au service de l’équipe. Antoine est l’exemple parfait : il n’a pas pour objectif d’être une star, il veut faire gagner son équipe (Toulouse, les Bleus, l’équipe de France à 7…) Et cela se ressent. Ce sont des joueurs talentueux, mais aussi humbles, sincères, et ça fait du bien. Leur notoriété est méritée, et ils l’utilisent intelligemment. Cela donne une image très positive du rugby.
L’équipe de France, un atout majeur pour la Ligue
En quoi les récents succès de l’équipe de France, que ce soit aux JO ou au Tournoi des 6 Nations, aident à populariser le rugby en France ?
Ils plaisent au monde. J’espère qu’ils inspirent de jeunes garçons et filles à rejoindre les clubs. Ils suscitent aussi de l’intérêt : les gens viennent au stade, regardent les matchs à la télé, parce que ces joueurs font des choses incroyables sur le terrain, tout en dégageant une vraie authenticité en dehors. Ils sont naturels, accessibles, et ça se voit. Même pendant la Coupe du Monde 2023, on a vu à quel point le rugby pouvait rassembler. Quand des Fidjiens et des Néo-Zélandais prient ensemble, que des Français et des Australiens se croisent dans le métro ou que des Irlandais chantent avec des supporters locaux, on comprend que le rugby, ce n’est pas seulement un sport : c’est un lien social.
Depuis que vous êtes à la présidence, comment se passe la relation avec la fédération française de rugby ?
On a un intérêt commun majeur et fondamental : faire rayonner notre sport. L’équipe de France doit être mise dans les meilleures conditions, mais aussi, il y a 2000 clubs amateurs à soutenir. Les 30 clubs professionnels doivent briller pour que les clubs amateurs aillent bien. Pour que le sommet de la pyramide brille, il faut qu’il y ait une base solide. L’après-Coupe du Monde nous a laissé un formidable héritage populaire, mais il faut maintenant le transformer. Il ne faut pas se tromper : nos clubs ne roulent pas sur l’or. Il y a des déficits dans le rugby professionnel français, et c’est une priorité pour nous d’y répondre.
C’est pourquoi la coopération avec la Fédération est indispensable. Il faut trouver les bons équilibres, se soutenir mutuellement et aborder ensemble les sujets structurants. Le rugby français a besoin d’une équipe de France performante, mais aussi de clubs solides, et de compétitions attractives
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Propos recueillis par Gaspard Lasmartres, rédacteur en chef
Le 28/05/2025
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